Interview de Pierre Maret, marionnettiste professionnel


marionnettiste professionnel Théâtre GuignolMarionnettiste professionnel et fondateur de la troupe Théâtre Guignol, Pierre Maret nous en dit plus sur son rapport à Guignol. À l’occasion d’un entretien, il m’a confié ses souvenirs et sa vision de l’incontournable marionnette à gaine.

Pour commencer, pourrais-tu nous raconter ta première rencontre avec Guignol ?

Bien sûr. La première fois que j’ai rencontré Guignol, j’étais tout petit. J’avais six ans. C’était un Guignol ambulant, il me semble. J’ai trouvé ça très sympa. Les autres enfants rigolaient bien, et moi aussi. C’est un très bon souvenir d’enfance.

Qu’est-ce qui t’a poussé, des années plus tard, à t’y intéresser à nouveau ?

J’ai un copain qui faisait autrefois des spectacles de Guignol. Il m’a dit un jour « j’arrête les spectacles de marionnettes, j’en ai marre, mon Guignol va partir à la cave ». Je lui ai répondu qu’il ne pouvait pas faire ça, que les enfants ont besoin de Guignol. C’était une évidence pour moi que s’il voulait arrêter, il fallait que quelqu’un reprenne le flambeau. Et finalement, c’est moi qui l’ai repris ! Je lui ai racheté ses marionnettes.

Merci et bravo à toi de perpétuer ainsi la tradition de Guignol ! Depuis quand exerces-tu en tant que marionnettiste professionnel, finalement ?

J’ai commencé en 2012, de mémoire… Oui, c’est cela. C’était il y a un peu plus de dix ans.

Tu es marionnettiste à Paris, mais pas seulement. Quel est ton secteur d’intervention, ou plus largement celui de ta troupe ?

Mes collègues et moi nous déplaçons un peu partout dans le nord de la France et autour de la région parisienne. En fait, Éric, Laurent et moi intervenons à maximum trois heures de route de la capitale, à peu près.

Pour quels événements recommandes-tu une animation de spectacle de marionnettes ?

Pierre le marionnettiste, Guignol et un Stormtrooper !Tous les événements, sans exception ! Pour tous les enfants, petits et grands, qui ont envie de garder leur âme d’enfant, tout simplement. Du goûter d’anniversaire aux baptêmes en passant par les mariages, les écoles et les fêtes des collectivités locales. Tous les endroits où l’on se rencontre et où les enfants ont besoin de rire et de sourire.

Message reçu ! Et que préfères-tu, dans ton activité de marionnettiste ?

Ce que je préfère, c’est de voir comment les enfants peuvent partir dans l’univers de la marionnette… Avec un spectacle dans lequel l’enfant voit les comédiens, il s’identifie un peu à eux, mais pas complètement. Alors qu’avec Guignol, il n’y a pas de décalage entre l’enfant et la marionnette. Tout le monde peut être vraiment Guignol. C’est ce qui rend l’expérience unique et amusante pour les enfants. Les enfants ont un rapport, comment dirais-je, un rapport sans frein. Les gens sont sans frein avec la marionnette.

Selon toi, qu’est-ce qui rend la marionnette de Guignol si attachante ?

Le fait que Guignol soit naïf, peut-être… Guignol est pur.

Il n’a que de bonnes intentions, selon toi ? C’est ce que tu entends par « pur » ?

Oui, c’est ça. Il est un peu espiègle mais il n’y a pas une once de méchanceté chez Guignol. Il est pour le bien des gens… Oui, il a un cœur pur.

Est-ce que malgré tout, tu lui trouves quelques défauts ?

Il a les défauts de ses qualités, on peut dire. Il peut se faire avoir facilement ! On profite de sa gentillesse. Je dirais peut-être aussi qu’il est impulsif, qu’il est trop franc… Il dit des choses que les autres ne sont pas prêts à entendre. Il a un côté contestataire, aussi, mais il n’est pas spécialement contre l’autorité ; il est contre l’injustice. Cela dit, c’est une question difficile, parce que chaque personne qui va créer un spectacle de Guignol apporte sa propre vision de la marionnette. Et nous, comme on ne fait que des créations…

Oui, j’imagine que cela vous donne la liberté de modeler la personnalité de Guignol ?

Oui, voilà, nous on a modelé Guignol pour qu’il soit pur, d’autres vont le modeler peut-être un peu plus contestataire, par exemple. Chacun va lui apporter les traits de personnalités qu’il veut.

On a beaucoup parlé de Guignol. Mais qu’est devenu son acolyte originel, Gnafron ? Il est absent de vos spectacles…

Nous avons volontairement éliminé Gnafron, parmi les personnages emblématiques et historiques du théâtre de Guignol. On l’a écarté parce que nous travaillons énormément avec les jeunes enfants, les publics scolaires, etc. Comme Gnafron avait tendance à tâter la bouteille un peu trop souvent dans les spectacles classiques de Guignol, ce n’était plus politiquement correct. En guise d’ami de Guignol, on est passé au personnage de Cerise.

Tu nous la présentes ?

les marionnettes de Théâtre GuignolEn fait, Cerise, c’est un amalgame de meilleure copine, d’amoureuse… Elle est amoureuse de Guignol, mais c’est une relation platonique ! Elle est tellement cruche et perspicace à la fois, que c’en est risible. Remplacer Gnafron par Cerise nous a aussi permis de mettre un personnage féminin au centre de l’intrigue, ce qui était important pour nous. Cerise est la complice de Guignol dans chacune de nos histoires. C’est le binôme fondamental de tous nos récits.

Et le Gendarme, le retrouve-t-on aussi dans tous vos spectacles ?

Oui, il y a trois personnages incontournables dans toutes nos histoires : Guignol, Cerise et le Gendarme.

Ils sont tous trois du côté de la justice. Et les méchants, sont-ils toujours les mêmes ?

Non, les profils des méchants sont très variés. On a dans l’histoire classique de Guignol un brigand bête et méchant qui vole des bijoux, mais on a aussi des personnages sombres avec des motivations très diverses. Cela nous permet de traiter des problématiques actuelles comme celles de la préservation de l’environnement. On essaye de coller à notre siècle, que Guignol ne soit pas déconnecté du XXIe siècle.

Vos spectacles de marionnettes s’inscrivent résolument dans l’air du temps. Attachez-vous malgré tout de l’importance au respect, à la préservation de certains marqueurs originels du théâtre de Guignol ?

Toujours. Nos spectacles conservent l’esprit fondamental de Guignol. Un héros au cœur pur, et contre l’injustice. Alors après, certains te diront que Guignol, à l’origine, c’est avant tout un frondeur. Il est contre l’autorité, etc. En fait, au départ, Guignol avait des problèmes « de grand » parce qu’il s’adressait aux adultes. Depuis la Seconde Guerre mondiale la cible a changé, ce qui change aussi la donne.

Et le matériel, a-t-il beaucoup évolué ? Le castelet, par exemple ?

Non, le castelet n’a pas changé. C’est toujours une fenêtre avec des personnages dedans, quoi. Je pense que si tu sors de ce cadre, là, par contre, tu vas dénaturer Guignol. Si tu sors du cadre, tu n’es plus crédible.

Oui, de la même façon qu’on n’envisagerait pas d’avoir Guignol en marionnette à fils, n’est-ce pas ?

En effet, ce serait une hérésie totale… Après, on peut faire des exercices de style. Il y a eu par exemple des Guignols humains. Des gens qui ont fait des Guignols avec des comédiens. Bon, pourquoi pas. Mais je pense qu’on perd alors l’âme de Guignol.

Tu as évoqué le fait que vous créez vos propres scénarios. À ce sujet, peux-tu nous révéler le nom de celui que tu préfères, parmi toutes vos créations ?

Ah… Bonne question… Je pense que c’est « Guignol, la sorcière et les cadeaux ». Parce que c’est le spectacle le plus équilibré, je dirais.
Spectacle de Guignol et la sorcière

C’est-à-dire ?

J’entends par là qu’il y a autant de suspense que d’étonnement, que de surprise, que de rire… Je pense que c’est un spectacle qui est très bien équilibré. Et puis j’aime bien les sorcières. Le loup et la sorcière pimentent bien l’histoire, ce sont des archétypes qui font bien réagir les enfants.

En parlant de la réaction des enfants, est-ce qu’il y a une réplique de vos spectacles qui les fait toujours beaucoup réagir ?

Oui, la phrase clef de Guignol, dans nos spectacles, c’est : « Surtout les enfants, si vous voyez un tel (le méchant), vous me prévenez. ».

Ce qu’ils ne manquent pas de faire, je suppose ?!

Oui, voilà. Guignol demande toujours aux enfants de l’aider. Et du coup, les enfants participent, ils crient si le méchant est là. Ils sont demandeurs pour qu’on s’amuse avec ça.

Est-ce que tu as une anecdote, en lien avec ton activité de marionnettiste professionnel, que tu pourrais nous partager ?

Oui, on a plein d’anecdotes… Par exemple, il y a cette fois où une personnalité politique était présente lors d’un spectacle de Guignol en plein air, un spectacle de ville. Je peux préciser que c’était un homme, mais bien évidemment, je tairai son nom… Il s’est amusé comme un petit fou ! C’était drôle. Il était surtout venu dans une démarche électorale, pour serrer les mains des parents, et on ne s’imaginait pas qu’il allait rester et assister à tout le spectacle. Guignol s’adresse aux enfants, mais parfois les grands enfants se laissent prendre également !

J’imagine bien ! Et que dirais-tu aux enfants qui aimeraient eux aussi devenir marionnettistes ?

Je leur dirais que si c’est leur rêve, il faut qu’ils le réalisent pleinement. Et qu’ils ne s’inquiètent pas des embûches et des cailloux qui seront sur leur chemin, car au bout du compte, ils y arriveront. Dans les métiers artistiques, rien n’est facile. Tu peux monter très vite et descendre très vite. Tu fais des montagnes russes et ça, c’est minant. Il faut vraiment être bien accroché et avoir la foi.

Après tant d’années d’activité, tu ressens encore ces montagnes russes ?

Oui, bien sûr que je les ressens encore. Tu as des moments où tu as du boulot, d’autres où tu n’en as pas… Tu dois beaucoup te remettre en question. Les modes évoluent beaucoup, les mœurs aussi…

Pour finir, peux-tu nous livrer quelques infos au sujet de votre prochain spectacle de Guignol ?

Je peux préciser que l’intrigue tournera autour de la problématique de la pénurie de l’eau. L’histoire se déroulera dans la forêt. En plus des personnages habituels, elle mettra en scène des lutins… et bien évidemment, des méchants !

marionnettiste professionnel Pierre Maret

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *